Par
Ed End dans
Poèmes le
5 Février 2006 à 21:35
Chants de l'errance.
Il y a presque un an, j'ai découvert un poète, Sayd Bahodine Majrouh.
Il croyait en Dieu, il est mort assassiné par la religion.
Mais sa parole vie encore dans les chants de l'errance.
Je ne l'avais pas encore publié dans l'oeil de la réalité, je croyais sans doute comme les voyageurs errants de ses poèmes, que la tyrannie religieuse épargnerait mon oasis de laïcité.
(A moins que le temps m'ai juste fait défaut, car question tyrannie les prochaines élections présidentielles et le lobbying industriel me rendent déjà malade...)
Aujourd'hui la nuit est presque tombée, alors j'espère juste qu'il fait encore assez jour pour que tu puisses lire ce texte.
CHANTS DE L'ERRANCE
Ego-Monstre, IV, -1-4.
Cercle premier
LE MESSAGE DU SOIR
Quand le vent eut frappé,
quand fut détruite la Cité de l'âme,
quand la tyrannie eut bousculé jusqu'au dernier des souffles,
le Voyageur fut jeté, ah brindille dans l'ouragan,
jusqu'au désert sans route,
vers l'exode sans but.
D'autres, nombreux, des familles entières jetées au vide, au rien, à l'égarement,
cherchant un lieu, et ne sachant,
de l'eau, et ne la trouvant.
Ou bien trouvant un puits et voyant leurs mains vides
voyant l'absence de corde et voyant un enfant,
d'une pierre insondable, révéler la vérité :
que le puits et sec depuis des siècles
et qu'ils sont des plantes déracinées.
Ô errants du désert
ne vous avais-je pas dit :
La tempête va venir
Et votre barque est pitoyable
et le torrent sera couteau, vertige, tourbillon,
des rocs se dresseront, creusant lames et gouffres
et vous verrez un Monstre, ensuite,
en chaque grain de sable, en chaque goutte d'eau.
Ne vous avas-je pas dit les profondeurs,
les déferlantes, les écrasements ?
Ne vous avais-je pas dit le naufrage,
votre esquif trop gracile,
et cet oeil effroyable où roulait une eau trouble ?
Et tant et tant ont péri
et tant et tant déjà que le Monstre a broyés !
Ne vous avais-je pas dit :
Le vent aura soufflé que vous chercherez encore
à retenir vos turbans et vos voiles
à retenir le passé hagard et dévasté
à retenir au fond de vos regards l'image _
Mais la Cité verdoyante n'est plus.
Le vent a brulé brun les pins et les coupoles.
Le vent des tyrannies, le serpent d'épouvante,
ne vous avais-je pas dit sa soif en votre sein
et qu'il ne viendrait pas de contrées si lointaines ?
Ô errants de l'exil
vous le couviez au creux de vous
et il a bousculé jusqu'au dernier des souffles !
Barbarie,
Harmonie :
Le chemin n'est pas droit, ô errants !
Et si jamais de l'une à l'autre on vous dit qu'il est droit,
ne le croyez pas, ne le croyez jamais !
Voyez les tourbillons, les remous, les cratères,
sans cesse plus barbares que la barbarie même
et voyez vos mains vides
et défiez-vous des lignes droites !
Eux tous, et le Voyageur, ah brindilles !
jetés à la dérive des temps
cloués sur un abîme en eux dans leurs yeux mêmes,
hantises héberluées qui allaient hors chemins.
Le vent était venu.
La Cité avait cessé d'être.
Les familles fuyaient.
L'horreur se faisait loi.
Le Monstre régnerait.
_ Ô amis exilés que nous étions-nous dit ?