• Junk DNA [008]

    Episode 8 d'un feuilleton surréaliste pour lectrices et lecteurs curieux ou téméraires. Le réalisme magique du quotidien, plutôt que la sophistication de l'écriture. Un carnet quasi autobiographique, qui relate une tranche d'un exil outre atlantique. Xénophobe, déguisé dans ton habit consensuel, tu n'es qu'un simulacre d'humanité ! Une bande son est disponible gratuitement ici http://petitlien.fr/junkdna

    III. De retour dans mon nouveau tombeau.

     

    Pour un logement en collocation, c'est plutôt à l'opposé de ce qu'on imagine, zéro vie collective, c'est pas faute d'avoir essayé.

    En tous cas je suis tranquille, trop tranquille même, on dirait un tombeau. Peut être que la véritable fonction d'un appartement est de recueillir la dépouille d'un mort qui s'imagine vivre. Dans ce cas la, ici ce serait plutôt une fosse commune. Ma chambre souterraine est presque indépendante, on entre par la terrasse arrière en descendant un escalier de bois. Il n'y a pas de fenêtre, juste une fine porte blanche qui donne sur le reste du sous sol. Dont la salle de bain que je partage avec Marco l'accro au bicarbonate de soude, spécialiste du record de longévité sous la douche... Le pire c'est que c'est moi qui l'ai recommandé, je pensais qu'il partageait avec moi un certain goût pour les territoires inconnus. S'il avait été juste affecté par une variation du syndrome d'asperger ou par la longue dépression qu'il atténuait tant bien que mal avec un ritualisme outrancier et une boulimie maladive, ça ne m'aurait posé aucun problème. Mais c'était sans compter avec son égocentrisme extraordinaire.

     

    Les autres colocataires, celles qui vivent à la surface, paraissaient sympathique à première vue, plutôt éloignée du modèle consumériste de base.

     

    Svetlana semblait tout droit sortie d'un vieux James Bond. Je ne sais pas comment elle réussissait, mais quasiment à chaque fois que je frappais à sa porte, elle m'ouvrait avec une simple serviette enroulée, qui semblait plus là pour accentuer ces formes avantageuses que les masquer. Elle était prof de français et à moins que j'ai un prédisposition à l'érotomanie, j'avais vraiment l'impression qu'elle aurait bien aimé m'aider à améliorer ma connaissance des subtilités de cette langue. Après c'était peut être juste sa façon d'être, car paradoxalement c'était la première à se désister quand on se motivait pour tenter de partager une bouffe tous ensemble.

     

    Avec Candice c'était tout autre chose, plus proche de la complexité d'un personnage de roman, en équilibre entre empathie excessive et distance savamment entretenue, on partageait un dégoût commun pour la société patriarcale et elle insistait beaucoup sur l'importance de ces rares tentatives de vie collectives. L'appartement était loué à son nom et c'était elle qui se chargeait généralement de tout ce qui était administratif, organisation et collecte des loyers. Elle était d'ailleurs plutôt efficace, elle semblait capable de mettre de coté tout affectivité pour mener à bien ce genre de taches.

    Ce qui à part dans les circonstances présentes était fort appréciable, car ainsi tout fonctionnait relativement bien et ce malgré la tendance de chacun à passer à l'as les taches collectives.

     

    En rentrant il y avait un mot avec mon nom glissé sous ma porte, j'ai reconnu son écriture, sans doute un rappel pour le loyer.

    Cela se sent que la phase de calme avant la tempête arrive à sa fin, si j'avais pas trouver cette offre pour rembourser mes dettes je risquais de prendre bon.

    Je vais devoir la faire patienter encore un peu, mais au moins ça va la rassurer.

     

    L'ordinateur ne se presse pas pour démarrer, après vaut mieux pas le laisser en veille quand on s'absente, car les gars de l'électricité ne préviennent pas avant de couper le courant.

     

    Les marches grincent, on frappe à la porte, je donnerais ma main à coupé que c'est elle.

     

    Je vérifie que j'ai bien l'adresse de la clinique de notée sur mon carnet avant d'aller ouvrir.

     

    - Salut Candice...

    - Salut, dis, tu nous as pas donner ta part du loyer ? En plus tu aurais pu nous prévenir. On avait pas de nouvelles de toi. On s'inquiétait qu'il te soit arriver quelque chose.

    Tu parles elles se demandaient plutôt si je n'avais pas mis les voiles...

    - Oui, je sais, je suis désolé. Mais je ne suis parti que trois ou quatre jours, c'était pas prévu du tout, j'ai juste mis plus de temps à rentrer que j'aurais voulu.

    - 3 jours ? ça fait 3 semaines !

    - Comment ça ?

    - Tu sais, j'aimerais surtout que tu évites de prendre l'habitude de disparaître quand il y a le loyer à payer, c'est pas correcte. Après si tu avais un cellulaire ce serait pas aussi galère.

    - Je suis désolé, vraiment. En tous cas c'est bientôt réglé : je viens de trouver une solution miraculeuse. Je vais m'inscrire à une étude médicale, après je pourrai rembourser ma part et même payer plusieurs loyers d'avance. Rentre si tu veux je te montre c'est vraiment sérieux.

    - Non c'est bon, il est super tard et j'ai encore un devoir à terminer. J'espère que tu sais ce que tu fais... Quand est-ce que tu va pouvoir payer le loyer ? Et donne moi une date sure cette fois.

    - J'ai pas eu le temps de regarder je te dis ça demain matin, promis.

    - Ok ok. Bon, ben bonne nuit et tu me dis ça sans faute demain.

    - Merci, hein, tu sais c'est vraiment exceptionnel, tu me connais d'habitude il y a jamais de problème.

     

    Et voila, déjà retournée à la surface, elle n'est pas si commode, mais elle m'a plutôt à la bonne, alors j'essaye de ne pas abuser.

     

    Histoire de laisser redescendre la pression, j'allumais un ragot de pétard resté dans le cendar depuis une plombe.

     

    Je fais toujours le mieux que je peux, mais quand on passe trop de temps collé à un écran, qu'on écoute de la musique horsnorme et qu'on préfère les films extrêmes, on se rend compte que tous les efforts de socialisation des autres se noient comme des gouttes dans l'océan. Exemple type, quand on me montre des jolis cailloux du bord de la plage, je ne peux m’empêcher de les retourner pour montrer dessous, la vie.

     

    Ainsi peu à peu mes colocataires sont devenues quasiment invisibles, à moins qu'elles ne soient confondues dans le décor, prisonnières de leur routine scolaire.

     

    Alors, j'ai peint une fenêtre en trompe l’œil sur un de mes murs. Et de jours en jours, tout se qui vie derrière change, les plantes s'élancent vers le ciel, on devine par endroit entre leur tiges l’œil d'un animal sauvage caché qui guette la fenêtre. Les arbres se mettent à marcher, des nuées d'insectes gros comme des oiseaux traversent le paysage emportant dans leur pattes les vestiges d'une civilisation disparue. Je ne serais pas surpris si un jour une racine parvenait à briser un des carreaux pour se frayer un passage dans ma chambre

     

    J'écris pour voyager. J'ai été dégoutté jusqu'à la nausée par la répétition compulsives des informations dans la société. Et ce avant même le coup d'accélérateur de l'internet, désormais principal fournisseur de sujets de conversation pour meubler notre silence. Au point que j'ai cessé de m'intéresser au passé, je ne ravive jamais ma mémoire.

    Sauf parfois quand j'écris.

     

    De toute façon, je préfère oublier mon passé, à quoi bon les partager, si c'est des souvenirs comme l'autodafé de mon tombeau précédent.

    J'habitais tout en haut d'une cage à lapin nommée, ironiquement sans doute, la Sociale, dans la bien nommée ville de Maudit de l'autre coté de l'atlantique.

    C'était grave sinistre là bas, mon voisin de palier c'est même fait sauté le caisson dans le grenier... Et le pire c'est que c'est la voisine de l'étage du dessous qui l'a découvert à cause de l'odeur...

     

    J'ai vraiment un odorat de merde.

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